Mandombe, langues africaines et Institutions


Intro

Les langues africaines sont peu représentées tant dans l'univers internet (3% des pages web) que sur la scène administrative dans leurs propres "pays". On a tendance à penser et agir comme si cette situation était naturelle, or le fait qu'elle ne le soit pas a plusieurs conséquences directement héritées de son instauration. Il est important de rappeler que le problème de la marginalisation des langues africaines et la domination des langues européennes en Afrique est directement lié à l'expansion coloniale. En effet, le découpage des frontières a créé une situation de plurilinguisme qui favorise largement la présence d'une langue dominante. Chaque ensemble géostratégique est peuplé de plusieurs langues et chaque langue est répartie parmi plusieurs ensembles géostratégique, si bien aucune ne saurait être la langue nationale dans aucun des pays et ainsi la langue dominante est "naturellement" la langue coloniale.


De manière schématique, on peut dire qu'un envahisseur, ne comprenant pas la langue du peuple qu'il veut dominer est dans la nécessité de lui imposer sa propre langue. Il impose ensuite son système administratif par le biais de ses administrateurs, ses militaires, pour assurer la survie de son système. Il se crée tout naturellement une classe collaboratrice, qui adopte les la langue de l'envahisseur, son modèle de société et la classe subalterne qui l'apprend tant bien que mal. C'est cette classe et elle seule qui peut prétendre être bilingue, et encore.
Mais le gros de la population est soit monolingue, soit plurilingue mais dans sa langue maternelle et d'autres langues régionales avec quelques notions de la langue dominante dans certains cas.
Quoi qu'il en soit, il n'est pas exagéré de considérer que 90% de la population n'a pas une maîtrise de la langue dominante et surtout pas dans ses jargons spécialisés, qui font pourtant le coeur de l'activité économique. Qui donc dans ces circonstances peut-il prétendre à un quotidien décent sinon la minorité francophone ou anglophone au pouvoir?



Contexte:


Trois mythes issus du "racisme ordinaire" et qui se sont diffusés parmi les minorités favorisées, sont associés aux langues africaines:

  • Le premier est que les africains ont tout intérêt à apprendre les langues européennes, seules langues pouvant les "guider vers la modernité".
  • Le deuxième est que les langues africaines sont de toutes façons incapables d'assumer la modernité et en opposition avec elle
  • Le troisième est que de toutes façons les langues européennes sont des garanties de la paix et de l'entente cordiale en Afrique.

  • Il suffit de rappeler les plus de 4 millions de morts de la RDC, les 2 millions du Congo, les 800 000 morts du Rwanda, sans compter les déplacés, l'échec flagrant de l'enseignement en langue coloniale, pour se rendre compte du ridicule de ces idées. Mais elles sont hélas bien intégrées au discours des décideurs politiques, peut-être pour contourner des questions sensibles comme celle de leur légitimité.

    En sort que nécessairement, les textes qui font la vie et le ciment de la société sont inaccessibles à cette majorité de la population. Lorsque les institutions sont ainsi établies on se retrouve dans des situations où la population est dans son immense majorité régie par des lois qu'elle ne comprend pas, jugée dans des langues qu'elle ne comprend pas plus et doit pour faire valoir ses droits devant la justice s'exprimer dans une langue qui lui est étrangère. Il en va de même actuellement pour le commerce, l'enseignement, les démarches administratives, bref, tout ce qui fait la vie des états africains modernes.


    Or, l'institution est une structure supposée garantir le bon déroulement des échanges sociaux, légaux et commerciaux internes et contribuer à l'unité de la nation. Lorsqu'elle est défaillante ce n'est pas que la nation est l'est, c'est la notion même de démocratie, dans sa définition littérale qui est mise à mal.


    Certains ont pensé qu'exporter des urnes pour les élections en Afrique apporterait la démocratie, or, elle ne peut exister et émaner que du cadre institutionnel, c'est à dire des rapports entre la population et les structures politiques, économiques et sociales, dont la langue est le principal vecteur.



    Impacts sociaux:


    Il est effectivement devenu banal de constater que les classes favorisées, mais aussi les artistes les plus médiatisés s'expriment généralement dans les langues du pouvoir. Nous tenons à insister sur le fait que nous ne faisons pas de la langue une superstructure, qui serait liée à une classe. Cependant, elle est indéniablement un vecteur d'idéologie. Dans le cas de l'Afrique, il suffit de se mettre en mémoire les nombreux rapports d'études faisant état du mépris linguistique affiché par les classes favorisées envers les classes moins favorisées et le prestige apparent de telle ou telle langue dominante. Or, c'est effectivement cela qui traduit la situation de crise linguistique et sociale que traverse l'Afrique en ce moment.


    Il est bon de noter qu'actuellement, la dichotomie sociolinguistique change énormément, en ce sens que les populations urbaines (la ville selon le modèle dominant étant le lieu du pouvoir) tendent à abandonner la langue dominée au profit de la langue dominante et les populations "rurales" tendent à acquérir la langue dominante et à intégrer le mépris linguistique des classes favorisées. En effet, leur langue étant désormais dévouée à des tâches subalternes et sans aucun statut -puisqu'elles ne donnent pas l'accès à des avantages socio-économiques- sinon de langue secondaire, ce mépris s'étend à tout le système de valeurs associé à ces langues.


    Apport de l'informatisation des langues africaines et de l'écriture Mandombe :


    Nous concluons en remarquant que l'informatisation des langues africaines peut contribuer à les réhabiliter au niveau institutionnel et représente pour les raisons que nous avons dites plus haut un pas vers la démocratisation, vers une cohésion sociale et vers le développement. C'est ce pas crucial qui consiste à réunir les conditions du développement ou plutôt à progressivement en éliminer les freins.


    Leur introduction dans les logiciels qui font la vie administrative (applications comptables, messagerie, logiciels de gestion, bureautique etc) et éducationnelle. Comme nous l'avons mentionné ailleurs, le support le plus approprié pour leur réhabilitation est leur informatisation via des scripts endogènes et des scripts à large portée linguistique comme le système Mandombe. Sa large portée permet en effet d'avoir une graphie adaptée aux structures lexicales des langues et une graphie unifiée et simplifiée pour de grands et vastes ensembles linguistiques. C'est donc un outil à mettre à profit pour une réelle décolonisation de l'Afrique.