L'informatisation des langues africaines et la production dans intellectuelle dans ces langues:



L'informatique, vecteur d'instruction ou d'exclusion:


"Le débat sur les vecteurs d'instruction est limité et dispose de peu d'éléments (...) Le débat sur l'élaboration des politiques évite de s'arrêter sur les effets limitants, sur les résultats de l'enseignement dispensé par le biais des langues européennes (...) Les populations sont informées des choix linguistiques au niveau de l'école, [tandis que] l'enseignement pédagogique passe sous silence les questions touchant au vecteur d'instruction"

Il est en effet impossible de parler du développement des langues africaines et de développement tout court sans poser le problème des vecteurs de l'enseignement et de la qualité de cet enseignement. Nous entendons par là tant la question des contenus que des méthodologies et des médiums de cette éducation, à savoir:


  • quelles valeurs veut-on faire passer?

  • quelles aptitudes veut-on développer?

  • quelles perspectives sociales veut-on ouvrir?

  • Ces questions des valeurs est directement liée à la langue certes, comme vecteur de culture mais surtout au contenu de l'éducation. C'est en soi un problème de localisation, c'est à dire d'adaptation des technologies et savoirs à un environnement socio-culturel donné, dans lequel l'individu d'une société évolue sans se trouver en phase de rupture entre sa culture soit et des savoirs qui lui donneraient des moyens d'ascension sociale. En d'autres termes, c'est la question de l'adéquation de la transcription d'un savoir donné au cadre culturel auquel il est destiné.
    La situation actuelle, où l'on feint d'ignorer l'enjeu culturel, fait de la culture un frein à l'ascension sociale, alors qu'elle devrait en être la base et le moteur. C'est en effet dans celle-ci que l'on puise les valeurs de base qui permettront la socialisation, l'échange de connaissances et la production de savoirs. Négliger l'aspet culturel c'est prôner la stérilité technologique et réduire les populations au simple rôle de consommateurs. Agir comme si l'on pouvait accoler à un ensemble culturel une étiquette "modernité" par opposition à d'autres relève d'un héritage du racisme colonial le plus banal. Or cette position est économiquement et politiquement catastrophique.


    La problématique des langues et scripts africains est alors aussi et surtout une affaire sociale et doit être vue et traitée comme telle et plus seulement sous l'angle technique. C'est pourquoi nous considérons l'introduction de scripts africains en parallèle des langues africaines comme un niveau fondamental de la localisation des systèmes informatiques. De plus, nous rappelons les difficultés soulevées par les tentative d'adaptation de l'alphabet latin à ces langues, qui a justement eu pour effet d'adapter les pratiques langagières et linguistiques aux transcriptions latines (cf pb des tons).



    Ce sont là des critères linguistiques mais au regard de la situation, il importe de tenir compte des contraintes matérielles et humaines et définir des priorités dans ce qui doit être fait afin de répondre aux problèmes liés à l'efficacité d'une telle démarche:

    • rapidité de la diffusion des notions de base

    • adéquation à l'utilisation et au besoin réel des populations

    • rentabilité en terme d'efficacité (durabilité et degré de familiarisation)

    Priorités


    Depuis quelques années la communauté libre a fait des efforts considérables pour le support de langues associées à des scripts dits "complexes", c'est à dire ne fonctionnant pas de manière linéaire contrairement à l'alphabet. C'est ainsi que des écritures comme le Hangul, le Kannada entre autres ont acquis une place dans le monde de l'informatique. Des initiatives sont en cours pour le support de scripts africains comme le N'ko ou le Mandombe ou encore le Tifinagh. Mais, cela étant, l'informatisation n'est pas qu'une question technique ou scripturaire.
    Elle pose aussi des problèmes auxquels elle se doit de répondre, comme la question des priorités, de la diffusion des notions minimales de l'informatique auprès des populations, car comment parler de "réduire la fracture numérique" lorsque les populations doivent apprendre l'anglais ou le français avant de prétendre toucher un ordinateur?

    Cette question est très liée à celle de l'éducation et est discutée dans cette partie concernée. A côté de celle-ci, se pose la question des priorités dans le développement du support informatique des langues africaines et nous tentons ici de proposer des priorités, tout en n'oubliant pas de saluer les initiatives comme le "bino na biso", qui a proposé la première traduction informatique d'un système GNU/Linux en Lingala avec l'intégration d'un clavier Lingala.

    Le support de langues africaines via des scripts complexes devrait se focaliser d'abord sur les applications à large diffusion c'est à dire les suivantes:

    * messagerie:
    clients et interfaces de messagerie

    * navigation web:
    moteurs de recherches, navigateurs

    * traitement de texte:
    applications et correcteurs

    * applications éducatives:
    logiciels de mathématiques, géographie etc.

    * traduction automatique:
    moteurs de traduction web, comme http://www.voila.fr.



    Le recours à des systèmes comme l'écriture Mandombe implique aussi le support natif ses scripts complexes et pourquoi pas de technologies déjà existantes comme OpentType, Graphite pour ne citer que celles-ci. Rappelons que de telles actions développerait des activités de pointe en Afrique, créerait des emplois, développerait l'éducation mais aussi créerait de nouveaux débouchés pour les éditeurs et développeuts de logiciels.